Kartini est peut-être l’héroïne indonésienne jouissant de la plus grande notoriété. On oublie souvent Rohana Kudus, Maramis, Yunisah, Said, voire Dewi Sartika dans l’histoire du mouvement des femmes. Mais Kartini est toujours citée. Dans la plupart des articles, elle est perçue comme la pionnière dans l’ouverture d’une école.
Par exemple, Baroroh Baried (1977) écrit : Kartini est la première femme à avoir donné aux Indonésiennes la possibilité de se former. Pourtant, Kartini n’a jamais fondé une école. Elle est décédée avant de réaliser son rêve. C’était Conrad Theodore van Deventer, un juriste Hollandais et sa famille qui instituèrent Yayasan Kartini (la Fondation Kartini) pour la construction d’une école des femmes 8 ans plus tard après la mort prématurée de Kartini (Candrakirana, Ratih & Yentriyani, 2009).
Kartini est celle que L’Etat apprécie le plus. En 1964, le président Sukarno attribua le titre d’héroïne nationale à Kartini et déclara le 21 avril, la date de naissance de Kartini, comme le jour de Kartini. Cela engendre un sentiment d’injustice car il n’y a pas eu que Kartini comme héroïne nationale en lien avec cette cause. Puis les critiques négatives adressées à Kartini qu’elle a été influencée par le féminisme occidental et a été manipulée par les colons. Ses idées ne sont pas considérées originales et ne représentent pas les indonésiennes. On dit qu’elle n’a contribué qu’aux idées, mais non à l’action réelle comme les autres femmes citées précédemment.
On considère qu’elle ne mérite pas le titre de féministe voire d’être considérée comme pionnière des droits des femmes indonésiennes notamment puisqu’elle a accepté de se marier avec un aristocrate ayant déjà eu trois femmes. Pourtant, Kartini n’y est pour rien. Elle n’a jamais demandé une telle reconnaissance et l’on peut supputer ouvertement que jamais elle n’a imaginé qu’un jour elle serait aussi célèbre et controversée comme aujourd’hui. Qui est Kartini, qu’a-t-elle fait jusqu’à exalter une telle controverse sur son héroïsme ?
Kartini est fille d’une maîtresse du maire de Rembang, une petite ville dans l’ile Java. En tant qu’une fille de la famille aristocrate, elle eut le droit d’aller à l’école européenne (Europese Lagere School) jusqu’à l’âge de 12 ans. Ensuite, elle dut arrêter ses études pour entrer dans la période « pingitan ». C’est la période durant laquelle une fille de cette époque notamment de famille noble est recluse dans la maison familiale. Il lui était interdit de sortir de la maison afin de se préparer au mariage. Cependant, Kartini ne s’arrêta jamais d’étudier : elle lisait des livres, des journaux et des magazines. Elle s’intéressa beaucoup à la pensé progressiste des Européennes.
A partir de l’âge de 14 ans, elle rédigea plusieurs articles publiés par les journaux néerlandais. Néanmoins, ses idées féministes s’exprimèrent plutôt dans ses conversations épistolaires avec ses correspondants hollandais. Elle leur parlait de la condition féminine en Indonésie, sa colère envers cette condition, et son rêve de la changer. Kartini trouvait injuste que les filles n’aient pas droit à l’éducation. Elle se rebella également contre la polygamie. Elle la combattit depuis qu’elle constata la souffrance de sa mère en tant que maitresse. Malheureusement, après avoir eu beau refuser son mariage avec un homme marié, elle céda et finit par l’accepter : une décision qui suscite l’opprobre la plus «virulente » des féministes.
Pourtant, il faut aussi comprendre la situation de Kartini. Elle a pris la meilleure décision qu’elle pouvait prendre en tant que fille d’un aristocrate. Elle attendit 13 ans après la période « pingitan » avant d’accepter ce mariage. Elle s’est mariée à l’âge de 24 ans, ce qui est très tard pour une indonésienne à cette époque-là. De plus, elle a finalement accepté ce mariage après avoir négocié avec son futur mari. Celui-ci lui a permis d’ouvrir une école pour les indonésiennes et de rédiger un livre. Pour elle, c’était son rêve. Elle fut près de réaliser son autre rêve : continuer ses études à Jakarta. Le département néerlandais de l’Éducation lui octroya une permission pour qu’elle puisse continuer ses études. Cependant, elle fut obligée de refuser cette offre. Elle renonça à son rêve et accepta à contrecœur la polygamie pour concrétiser un autre rêve bien plus avantageux pour les autres indonésiennes. Kartini, d’après moi, n’a fait que saisir la meilleure opportunité qu’elle pouvait obtenir.
Kartini est morte avant de réaliser son rêve en 1904 à l’âge de 25 ans du fait de complications de son accouchement. JH. Abendanon, le Ministre de la Culture, de la Religion, et de l’Industrie, recueillit des lettres de Kartini et les publia dans un livre pour la première fois en 1911 sous le titre Door Duistemis tot Licht (De l’obscurité vers la lumière). Ce livre des lettres de Kartini est traduit en anglais en 1920 sous le titre Letters of a javanaise princesse, et en Indonésien en 1922 Habis Gelap Terbitlah Terang. Puis il y a plusieurs versions de ce recueil des lettres de Kartini en Indonésien avec des titres différents.
Quelle que soit la critique, Kartini est bien la représentante des indonésiennes pour lutter contre leur condition discriminatoire en tant que femme. Son combat de la polygamie est encore aujourd’hui le combat des féministes. En effet, depuis que Kartini est décédée, puis que ses lettres ont été publiées, elle a influencé fortement le mouvement féministe en Indonésie (Dewi, 2012).
Merci à ma chère maîtresse d’avoir corrigé ce texte 😊
2 réponses à “Kartini, féministe indonésienne la plus célébrée”
Merci pour cet article. Un siècle plus tard on reproche souvent aux pionniers d’une cause de ne pas avoir été assez loin, assez vite ou d’avoir été trop respecter les usages de leur époque. On ne réalise pas qu’une cause ne peut avancer que par petits pas et que ceux qui s’affranchissent trop des règles qui régissent une société ne peuvent pas la changer. Tout est affaire de compromis.
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Merci d’avoir pris le temps de lire cet article et d’écrire ce commentaire que je trouve vraiment ‘super’ 😊. Désolée, mon vocabulaire est assez limité 😌. Sincèrement, j’aime beaucoup votre commentaire. Il enrichit ma réflexion à propos du combat féministe notamment en Indonésie. Je trouve qu’il conclut parfaitement cet article.
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